Gaby Aghion est une Égyptienne vivant dans le Paris des années 50, où le new-look de Christian Dior occupe la scène… Tissus plus ou moins rigides, coupes structurantes, Gaby Aghion qui a la beauté des terres du sud ne supporte pas ces vêtements qui éloignent du corps. Elle décide donc de dessiner des tenues souples, dans des matières ultras fines, douces et agréables à porter. C'est ce qu'elle appellera le "prêt-à-porter de luxe".
C'est en 1965, en pleine époque Courrèges, que Gaby Aghion - désormais associée à Jacques Lenoir - saute le pas et décide de présenter leur collection. Ils le feront là où ils ont l'habitude de converser longuement : au café Flore… Ils nommeront leur griffe Chloé, prénom qui évoque une jeune femme libérée et pleine de vie. Cette image colle parfaitement avec l'air du temps, alors que les jeunes préparent mai 68 et où les tabous volent peu à peu en éclats.
Mais si Gaby Aghion fut l'impulsion de ce nouveau style plus féminin et plus audacieux, elle préfère que ceux qui dessinent les collections soient plus prochent de la cible qu'elle vise. Elle désire être en adéquation, voire un peu en avance sur le désir des gens, c'est pourquoi très tôt elle s'entoure de jeunes couturiers qui scelleront définitivement le style Chloé.
Celui qui fera la différence est un jeune styliste qui a fait ses armes chez Jean Patou et qui depuis travaille en freelance du Japon à l'Italie : Karl Lagerfeld est embauché chez Chloé dès son retour en France… En 1966, il prend les rênes de la maison et en fera la griffe de prédilection des stars de l'époque. Longues jupes, blouses vaporeuses, ensemble bohème chic, féminin et désinvolte, le look Chloé prend réellement forme sous les doigts de Karl.
Il quitte cependant son poste en 1983, et après lui se succèdent quelques stylistes, dont Martine Sitbon, mais Chloé perd de sa renommée : son style vieillit et ne colle plus à la génération eighties. Les ventes s'effondrent, plus personne ne mise sur cette maison poussiéreuse. Pourtant en 1985, la griffe est acquise par le groupe Richemont, ce qui lui permet d'avoir une visibilité internationale. Cependant rien n'y fait, et la maison sombre rapidement…
Il faudra attendre 1991 pour que Karl Lagerfeld soit appelé au secours afin de redynamiser l'image de la marque. Après quelques tâtonnements durant encore plusieurs saisons, petit à petit Chloé remonte la pente, mais ce n'est véritablement qu'en 1997 avec l'arrivée de Stella McCartney que la maison retrouve sa gloire d'antan. C'est en suivant de près la ligne de conduite de la créatrice de la marque ("travailler avec de jeunes stylistes"), que Chloé va trouver sa planche de salut.
Stella McCartney n'a que 25 ans, mais la jeune femme en plus d'un nom prestigieux possède un véritable talent. C'est pourquoi lorsqu'elle sort de la Saint Martins School, la direction Chloé saisit sa chance au vol. Stella McCartney est propulsée à la direction artistique, où elle impose une condition : pouvoir emmener avec elle sa complice et partenaire, Phoebe Philo, qu'elle ne quitte plus depuis leur rencontre à la Saint Martins School. Stella, grâce à sa jeunesse et sa fraîcheur et tout en conservant l'âme de la griffe, parvient à la faire renaître de ses cendres.
Elle réinterprète le patrimoine de Chloé, ressort dentelles anciennes, couleurs pastelles et leurs insuffle une nouvelle dynamique faite de sexy langoureux et de romance rock… Elle s'inspire du vestiaire de sa mère, mixe vintage et coupe moderne, instaure la taille basse au sein du luxe et travaille le tailleur de façon décontractée : la première collection est un succès, la maison parisienne revit. Le chiffre d'affaires s'envole, Chloé devient bankable et se réconcilie avec les fashionistas.
Cependant en 2001, Stella s'envole vers d'autres projets et cède la place à celle qui était dans l'ombre à ses côtés : Phoebe Philo. Celle-ci va puiser dans les racines luxe de la maison, et lui ajoute sa vison très personnelle de la féminité, faite de sensualité, de sérénité et de liberté. Ce qu'elle fait ne ressemble à personne d'autre, et cette approche à la fois sexy et sensée du vestiaire féminin séduit les clientes.
Elle parvient petit à petit à dessiner une nouvelle silhouette, aux volumes flous et racés. Sa force : privilégier le lien avec ses clientes et enchaîner les collections sans se renier, collections qui évoluent et se construisent sur les bases des précédentes. Grâce à cette façon d'aborder la mode, Phoebe Philo fidélise les clientes, car si elles ne savent ce que leur réservera la saison prochaine, elles savent aussi que le style leur conviendra.
Par ailleurs, Phoebe Philo saisit la nécessité, pour la pérennité d'une maison comme Chloé, de réaliser une ligne d'accessoires. Elle développe donc une ligne de sac, dont elle présente le produit phare durant ses défilés. Cela devient la marque de fabrique de la griffe, et ledit sac représente à lui seul l'esprit de la saison. Le succès commercial est au rendez-vous : on se souvient de l'engouement formidable qu'à suscité le Paddington… Les VIP renouent également avec Chloé, qui devient le must have de la hype attitude : Kirsten Dunst et Sofia Coppola en sont les premières clientes.
Cependant, après Stella c'est autour de Phoebe Philo de quitter le navire, qui décide pour un temps de se consacrer à sa famille. S'en suit une année sans véritable direction artistique, trois stylistes du staff création élaborant deux collections relativement décevantes. Les anciens démons de la griffe la guettent, elle risque encore une fois de perdre son aura…
Mais c'était sans compter sur l'arrivée de Paulo Melim Andersson, ancien de chez Marni et ex de Margiela. Il aurait pu se contenter de faire perdurer le style sucré et vendeur qu'avait imprimé le duo McCartney/Philo, mais il décide néanmoins de tourner la page et de faire subir à Chloé un énième tournant stylistique. Ses collections sont ainsi plus cérébrales, moins évidentes, mais une fois qu'on y pénètre, on en saisit le charme et la subtilité : les imprimés sont inspirés, les tenues "soir" jouent entre chic minimaliste et modernité insolente…
La nouvelle ligne Chloé est forte et reconnaissable, et loin de choquer les adeptes de la griffe, la version Andersson a su ravir leurs coeurs, de Charlotte Casiraghi à Kylie Minogue, en passant par Natalie Portman. L'élégance selon Chloé évolue avec le temps et les designers qui s'en emparent, mais finit toujours par trouver un écho favorable.
On retiendra également la qualité de la ligne bis de Chloé, " See by Chloé", qui a vu le jour en 2002 et qui depuis distille un style "belle branchée" complètement irrésistible. Dessinées par le studio, ces collections font le trait d'union entre la luxueuse ligne principale et une envie plus tendance, plus citadine, d'une clientèle plus jeune. Avec des prix plus accessibles, les produits "See by Chloé" mixent l'air du temps à merveille : le jean large proposé cet hiver, en est l'illustration parfaite…
Par Lise Huret, le 10 septembre 2007
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