Presque fantomatiques et plus maigres que de nature, les modèles ouvrent le bal Prada vêtues de vêtements des années 40 portés à même la peau. En drap de laine rigide, comme coupés dans une couverture de l'armée d'occupation, les manteaux et autres tailleurs réchauffent à peine ces silhouettes malingres. Puis apparaît sur le catwalk une jeune femme chaussée de cuissardes de pêche, surmontées d'un vague short de sport et d'un tricot kaki...
Dès lors, la trame de l'histoire se tisse : les demoiselles Prada évoluent apparemment dans un univers hostile, où un retour aux sources leur a été imposé. Ces cuissardes s'apparentent donc plus à un accessoire de survie qu'à une babiole fashion, au point qu'elles se marient avec tout - blazer, mini robe ou long cardigan - l'aspect pratique prenant définitivement le pas sur l'élégance.
Par la suite, on ne sait si la météo fut plus clémente, mais les bottes raccourcissent, se parant de chaudes chaussettes accompagnant des manteaux redingotes taillés dans de vagues tissus d'ameublement.
Si les tenues se veulent pragmatiques, cela n'empêche pas la créatrice de leur insuffler une aura sinon séductrice, tout du moins sexuelle. Les néo décolletés triangulaires découpés impudiquement dévoilent en effet largement le thorax, le tout sans raffinement, de manière brute et directe.
On retrouve ensuite les mêmes ensembles (short/cardigan, tailleur mal ajusté, jupe sévère/top échancré) dont seule la teinte change, signifiant que la femme de demain ne pourra se permettre les fastes d'hier. Puis ces tailleurs de femmes de résistants se meuvent en toilettes un rien plus sophistiquées (parées de broderies de sequins couleur réglisse), avant de vite retrouver leur austérité sous un cuir rigide pour le moins sinistre.
Finalement, après avoir étrenné le costume de la néo Manon des sources version grande dépression, les filles de 2009 préfèrent mener la bataille en se glissant dans des toilettes en bandelettes de cuir, évoquant une armure plus esthétique que protectrice...
Ceci dit, aussi pessimiste soit la collection Prada, elle recèle néanmoins une foultitude d'accessoires tous plus attrayants les uns que les autres. Ainsi, les escarpins décorés sur le talon d'une crête de centurion sont irrésistibles, tandis que les bottes en caoutchouc - avec leurs fines sangles enserrant le mollet - ont de quoi nous faire aimer les jours de pluie, et que les pochettes en fourrure poussin s'avèrent luxueusement incorrectes, mais délicieusement vitales...
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