Les dessous du mannequinat masculin
Si l'on pouvait se douter que derrière les armées de jeunes hommes faméliques défilant pour Hedi Slimane se cachait une réalité peu reluisante, difficile pour autant d'imaginer que sévissent au sein de la caste des mannequins hommes les mêmes exigences irrationnelles, les mêmes pressions, les mêmes harcèlements que ceux rythmant le pouls du mannequinat féminin. Et pourtant…
Écrit par l'ex-mannequin Edward Siddons, l'enquête/témoignage récemment publiée sur Newsweek et intitulée "The Hidden Dangers of Male Modeling" a le mérite d'apporter un nouvel éclairage sur l'industrie du mannequinat homme, qui reste souvent floue aux yeux du public. Il est en effet courant de se dire que les hommes - ou jeunes hommes - que l'on voit sur les podiums, dans les campagnes de pub ou au sein des magazines ont fait l'objet d'un casting sauvage et font cela en dilettante. Or, cette idée n'est qu'une construction romanesque masquant une réalité beaucoup plus crue. Grâce à cet article, on apprend ainsi que :
Les mannequins hommes ne sont pas à l'abri des remarques sur leur masse pondérale. Lors d'un casting, l'auteur de l'enquête s'est ainsi vu entendre dire : "He's beautiful, but he's fat".
Face aux deux tendances majeures sévissant sur les podiums - extrême maigreur ou muscles secs et volumineux - les modèles n'ont pas le choix : il leur faudra s'affamer et - pour certains - passer leur vie à la salle de sport.
En pleine expansion, le marché asiatique est friand de modèles occidentaux. Or, si les jeunes mannequins sont généralement heureux de partir, ils se retrouvent la plupart du temps assez démunis une fois sur place : "Growing numbers of young models, both men and women, are heading to Asia, far from their families and support networks, and working in poorly regulated conditions that leave them at risk of being overworked and underpaid". La plupart des jeunes hommes choisissent le mannequinat car ils pensent pouvoir s'y faire de l'argent facilement.
Accepter d'être considéré comme un objet semble être l'une des règles tacites du milieu : "To be a model is to accept that you are a product as well as a person. You are also a target for sexual predators".
Pour un jeune modèle, la réalité se révèle souvent peu glamour : les jobs non payés - car censés apporter une certaine célébrité - s'enchaînent, la pression pour perdre du poids ou conserver un poids minimal assombrit le quotidien et les journées de 17h s'avèrent courantes en période de fashion weeks. Et dans cette industrie où les places sont chères, hors de question de se plaindre, sous peine de se voir immédiatement blacklisté.
Les personnes harcelant sexuellement les mannequins étant souvent des membres du fashion system, il est impossible de les confronter sans risquer de perdre son job : "I couldn't complain because he was part of my agency".
Privilégiant les physiques androgynes, la tendance actuelle pousse les mannequins masculins à perdre de la masse musculaire et leur pendant féminin à perdre leurs courbes naturelles, faisant ainsi naître une compétition malsaine entre les femmes et les hommes, qui se battent désormais pour le même job. Les derniers défilés Gucci (voir ici et là) en sont la parfaite illustration.
Chez certains mannequins hommes, la pression pour perdre du poids fait naître de sérieux troubles alimentaires tels que la boulimie et l'anorexie.
Nombreux sont les modèles à pointer du doigt Hedi Slimane comme le principal responsable de la montée en puissance des corps d'homme émaciés, voire rachitiques.
L'explosion du marché asiatique incite les designers à proposer des silhouettes adaptées à la morphologie de ses acteurs et donc à mettre en valeur des corps plus étroits, plus fins… Aux mannequins occidentaux de s'adapter ! Les agences de mannequins ne s'estiment pas responsables de ces problèmes liés à l'image du corps (excessive minceur, muscles trop développés). Responsable de la division Homme de l'agence Storm, Cat Trathen déclara ainsi : "Ultimately, we're just a supply chain, we only provide what our clients are asking for".
Pendant ce temps, certains designers préfèrent se voiler la face. Directeur artistique d'Ann Demeulemeester, Sebastien Meunier ne pense pas que les designers aient quoi que ce soit à se reprocher : "At the end of the day, [models] are adults. There's no problem here".
Malgré tout cela, les jeunes mannequins restent irrémédiablement attirés par ce monde qui leur promet évasion, aventure excitante, argent et bulles alcoolisées...
Au final, entre victimes consentantes, enjeux commerciaux faisant fi de l'humain, naïveté narcissique, tendances toutes puissantes, pervers professionnels et désir vorace de gloire, l'univers de la mode apparaît encore un peu plus violent, ambivalent et paradoxal…
Je vous conseille vivement la lecture de l'article d'Edward Siddons :
http://www.newsweek.com/male-modeling-edward-siddons-467068.html
Par Lise Huret, le 16 juin 2016
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Mais cela m'a de nouveau sauté aux yeux la semaine dernière à travers ces photos :
https://le21eme.com/elijah-van-brocklin-leon-dame-...
https://le21eme.com/paul-hameline-vilgrain-lauri-k...
Le plus triste est que la maigreur des mannequins femme ne me choque plus, que je m'habitue à celle des hommes sur les défilés et qu'il faille les voir flottant dans leur vêtement "off duty" pour que cela me gêne.