Lundi 28 août
8h20 : Dans le hall de notre nouvel immeuble, nous attendons patiemment le propriétaire, qui est censé nous remettre aujourd'hui les clefs de l'appartement. La journée est planifiée à la minute près. Nous devons ainsi aller chez Ikea, réceptionner la table commandée il y a 2 semaines, rédiger un article et accueillir dans notre ancien appartement l'agent immobilier en charge de le relouer, le tout avant 15h30 (heure à laquelle Charles termine l'école).
8h50 : Le propriétaire n'est toujours pas là. Il est injoignable.
9h20 : Nous recevons un SMS nous indiquant qu'il a un empêchement et qu'il ne pourra être là qu'à 14h. Ça commence bien…
9h25 : Alors que nous montons dans notre voiture, Julien me confie une enveloppe comportant les chèques de nos 10 prochains loyers en me disant d'y faire bien attention. Une fois arrivés dans le parking de l'ancien appartement, j'en profite pour ramasser quelques papiers traînant dans la voiture. Nous arrivons au niveau des ascenseurs, je jette les papiers dans la poubelle et nous montons dans notre "presque ex-chez nous", pour redescendre assez vite : direction IKEA.
10h : Alors que nous approchons du temple du meuble en kit, Julien me demande : "Qu'as-tu fait de l'enveloppe avec les chèques ?". À ces mots, je sens des fourmillements d'effroi me picoter le front : l'enveloppe ! L'enveloppe est… avec les papiers au fond de la poubelle du garage. Julien croit à une blague, je suis mortifiée.
10h05 : Le concierge de l'immeuble me confirme au téléphone que les poubelles viennent d'être vidées et jetées à la benne. No comment.
10h25 : Je cherche sans succès une adorable table jaune dans les rayons d'IKEA. Le catalogue à la main, je sollicite l'aide d'une vendeuse. Une fois devant son ordinateur, elle ne parvient pas à trouver ladite table. Julien me dit qu'il faut que l'on se dépêche, lorsqu'une autre vendeuse s'empare du catalogue et me fait remarquer qu'il s'agit de celui de l'année dernière. Certaines journées ne devraient jamais commencer...
19h00 : Assis dans un appartement quasi vide, nous pique-niquons face à la ville qui s'illumine.
20h20 : Il est l'heure de retourner dans notre "premier chez nous" (notre ancien appartement est situé à 5 minutes à pied du nouveau). Objectif : déménager pour de bon début septembre.
Mercredi 6 septembre
6h30 : Alors que je suis en train de discuter avec Elton John au sommet du Mont Blanc, une voix lointaine (mais qui se rapproche de plus en plus) vient perturber notre débat sur la confection de la tarte tatin : "C'est la rentrée ! C'est aujourd'hui que je vais dans ma nouvelle école !!!". J'ouvre alors brutalement les yeux et découvre à deux centimètres de mon visage une petite tête joyeusement ébouriffée, dont les yeux pétillant d'excitation m'intiment de me lever.
7h45 : Je contemple mon petit garçon dans son uniforme flambant neuf : la chemise glissée sous son pull lui fait prendre 10 ans ! Il me fait penser à ces écoliers britanniques qui illustraient mes livres d'anglais au collège. C'est curieux de voir son fils prendre si jeune un chemin totalement différent du sien...
8h : Légèrement intimidé face à la nuée de petits clones rouge/bleu marine s'ébattant sur la pelouse de l'école, Charles nous serre fortement la main. Très vite, la maîtresse s'avance vers nous et accueille Charles chaleureusement, tandis que le sous-directeur nous mitraille avec son appareil photo dernier cri (alimenter le fil Instagram de l'école semble être sa marotte…).
Samedi 9 septembre
18h : J'observe les valises jonchant le sol, les meubles IKEA attendant d'être sortis de leurs boîtes en carton, les lits que nous avons pris un temps infini à monter, les emballages jonchant le sol, le frigo abyssalement vide... Et je m'en veux de ne ressentir que du découragement.
Dimanche 10 septembre
6h50 : Je me glisse hors de notre lit qui, grâce à un duo matelas/sommier nourri aux hormones de croissance, ressemble à s'y méprendre à celui de la fameuse princesse au petit pois… Je longe le couloir menant à la cuisine/salon/salle à manger et je me retrouve face à la ville qui s'éveille doucement. Au loin, le lac Ontario m'offre son immensité bleutée, estompant mes doutes concernant ce déménagement.
9h10 : Les aller-retour entre les deux appartements reprennent, nous donnant l'occasion de faire plus ample connaissance avec les ascenseurs de notre nouvel immeuble. Nous apprenons ainsi à gérer les oreilles qui se bouchent à partir du 40e étage, découvrons une note accrochée sur une paroi interdisant les locations Airbnb, subissons les attentes parfois interminables générées par l'usage intensif des ascenseurs par les ouvriers terminant les derniers étages du building et constatons - avec un peu d'appréhension - les vibrations de l'habitacle lors des trajets directs du 1er au 56e étage.
21h : Je me promène d'une pièce à l'autre en listant ce qu'il nous manque. Je m'habitue peu à peu aux volumes certes légèrement plus petits, mais mieux agencés que ceux de notre ancien logement. Niveau ameublement, si je suis fan de nos chaises en cuir ultra confortables, je trouve qu'il manque du liant entre les différentes composantes de l'appartement. Je mise beaucoup sur l'arrivée de notre canapé en velours bleu canard pour insuffler un supplément d'âme à notre pièce principale...
Lundi 11 septembre
6h40 : La voix surexcitée de Charles m'extrait de mon cocon ouaté : "Maman, le dinosaure a craqué son oeuf !". Je retrouve mon fils la mèche rebelle et la mine malicieuse trépignant devant le saladier d'eau où végète depuis deux jours un oeuf de dinosaure acheté au Museum d'Histoire naturelle de Toronto. Et effectivement, un museau verdâtre a percé la coquille ! Magique...
14h : Retour chez IKEA (je frôle l'overdose). Si la tentation d'y acheter les dernières choses manquantes est grande, je sais que "trop d'IKEA tue l'IKEA". Hors de question de se retrouver avec la version torontoise de l'appartement du héros de Fight Club.
15h30 : Coincés dans les embouteillages, nous prenons conscience à quel point la ville n'a pas su gérer sa croissance démographique effrénée : les voies rapides sont quasi constamment congestionnées...
Mardi 12 septembre
7h : Plus que deux minutes et je pourrai égoutter les fusillis. S'agirait-il d'un nouveau régime emprunté aux coureuses cyclistes ? Non, simplement la préparation de la lunch box de Charles. On m'avait prévenu du côté casse-tête de la chose et force est de constater après quelques jours d'école que d'anticiper et de préparer un repas de midi + deux snacks "healthy" tous les matins n'est pas une mince affaire.
11h : Bonheur et félicité : les livreurs viennent de franchir le seuil de notre porte avec le canapé. Après des semaines d'attente, ce dernier est enfin là, dans notre espace de vie. Rapidement, un problème se pose : placé contre la fenêtre, il obstrue la ligne fuyante faisant une bonne partie du charme de l'appartement. Je décide donc de le déplacer et de l'encastrer entre la fenêtre et le meuble de la cuisine. Je ne suis toujours pas convaincue. Hors de question pour autant de me laisser miner le moral. J'essaie de relativiser : il ne s'agit que de meubles, de déco…
Mercredi 13 septembre
13h : Déjeuner au Drake Hotel avec mon amie Laure. Au fil de la conversation, j'en viens à lui évoquer mon problème de canapé. En regardant les photos, elle me conseille de le positionner en diagonale contre l'énorme pilier porteur. C'est ce que je ferai deux heures plus tard, bénissant la clairvoyance de cette ancienne élève de la Saint Martins School…
19h : Confortablement assise au creux de mon chamallow en velours, je sirote ma drogue locale en regardant Charles faire voguer ses bateaux pirates sur le tapis. Je me sens apaisée. Il faut dire que j'ai décidé de me laisser du temps pour dénicher les éléments manquant au bien-aller esthétique de notre chez nous. Je suis ainsi certaine que nous finirons par trouver au fil de nos pérégrinations le casier en métal vintage hantant mes pensées, mais aussi la plante verte géante, le bloc de bois faisant office de table basse et l'illustration susceptible de nous faire voyager d'un simple coup d'oeil...
Jeudi 14 septembre
17h : Devant mon miroir, je ne sais quelle tenue choisir pour assister au "Curriculum Information Evening" de l'école de Charles. J'ai envie d'être féminine mais non apprêtée, d'être un peu plus "adulte" que d'ordinaire. J'opte finalement pour une robe corolle bleu marine et… une paire de baskets blanches.
18h : Assise dans la classe de Charles, je bois les paroles de sa maîtresse. Elle nous explique pourquoi elle a choisi la méthode Jolly Phonics, comment elle et sa collègue envisagent la notion d'apprentissage et en quoi leur petit effectif - 9 élèves - leur permet de mettre en pratique des techniques innovantes. Je me sens en totale osmose avec cette approche à la fois intuitive, respectueuse et "challenging".
19h30 : Entre la douceur de l'été indien caressant mes pas, le sentiment que Charles va apprendre et grandir dans un environnement quasi idéal, le bonheur d'être aimée, l'envie d'écrire, nos projets de voyage qui se dessinent à l'horizon, mes conversations sur WhatsApp avec mes amies françaises et la vue galvanisante de notre nouveau lieu de vie, je ne peux empêcher d'éprouver un immense sentiment de gratitude...
Par Lise Huret, le 16 septembre 2017
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Les galères de tous les jours ... la mignonnerie de Charles ... la somptuosité de la vue (dommage pour le Airbnb j'étais partante !) ... et puis la félicité de se sentir à sa place ...
Et du coup ... je me permettrais presque de vous embrasser à distance tellement ça fait du bien !