Dans la tête d'Alexander Wang...
En ce début de fashion week new-yorkaise, essayons d'imaginer quelles pensées créatives circulèrent dans les arcanes du cerveau d'Alexander Wang les semaines ayant précédé son show automne/hiver 2019-2020...
Après avoir entendu des bruits de couloir évoquant la mauvaise santé de Karl Lagerfeld : "J'entrevois deux possibilités : soit il s'agit d'une fausse rumeur lancée par l'un de ses concurrents, soit il est vraiment mal en point. Or, s'il s'agit du deuxième cas de figure et qu'il s'apprête bel et bien à rejoindre Whitney Houston, tout ce qui ressemblera à du Chanel risque de s'arracher... Bon, c'est décidé : on débutera le show avec quelques petites vestes que ne renierait pas le saint homme (voir ici, ici, là). Business is business..."En sirotant une vodka frappée après 30 minutes de battle rope au Brrrn : "Cette saison je veux du cuir … Bondage ? SM ? Biker sexy ? Non, beaucoup trop ringard... Si j'en crois ma copine Batsheva Hay, ce qui marche en ce moment c'est la notion de "je cache donc je suis". J'ai donc tout intérêt à zapper les mini-jupes pour gazelle californienne au profit de modèles longs ou mi-longs à superposer (voir ici, ici et là) qui devraient plaire autant à mes clientes du Moyen-Orient qu'aux lectrices de Slate. Et tant pis si lesdites jupes sont objectivement assez disgracieuses : Gucci et Vetements se vendent très bien, non ?".
En observant nostalgique du haut de son studio les taxis fendre la nuit new-yorkaise : "2019… Qu'elle me semble loin cette fameuse collection printemps/été 2010 qui hystérisa les filles de Vogue et se retrouva dans un nombre vertigineux de magazines... Désormais, c'est à peine si Emmanuelle (Alt) s'attarde en backstage… Il faut que je me ressaisisse. Bon, récapitulons : "2010" -> "emprunts à l'univers du sport" -> "succès". Pourquoi dès lors ne pas reproduire la même équation en remplaçant les pièces "football américain" par des maillots de rugby (voir ici et là) et des polos de tennis ? Je suis sûr qu'Isabella (Emmack - muse et amie du créateur) va adorer ! Devant son mood board automne/hiver 2019-2010 encore quasiment immaculé : "Allez, concentre-toi Alex… Il me faut un concept qui mettrait en valeur aussi bien mon background streetwear que ma valeur ajoutée "Balenciaga". Un truc "glamour pour cool kid". Si je pense glamour, je vois immédiatement Audrey Hepburn dans "Breakfast at Tiffany's", cela veut donc dire du noir, du blanc, des longs gants, une coupe fourreau… Si je dis "cool kid", je visualise directement des filles sublimes en tee-shirts blancs trop grands. Fourreau… Tee-shirt … Mais c'est bien sûr ! Offrons une dimension "soir" à la robe tee-shirt ! (voir ici, ici et là)
Après avoir raccroché avec l'un des acheteurs les plus influents du milieu : "Si c'est du commercial qu'il veut... eh bien il aura du commercial. De toute façon, on a tous les deux intérêt à ce que cette collection se vende. Et avec ce pardessus camel mis en valeur par un short pyjama (un mix qui sera canon sur podium mais plus compliqué dans la vraie vie... tant pis), ce manteau léopard et ces chemises rayées (à porter en double), je crois que l'on tient quelques pièces facilement monétisables...
A demi allongé sur l'un des immenses canapés d'un loft new-yorkais où déambulent des corps nus dans une ambiance post-orgie, Alexander Wang aperçoit une fille - plus frileuse que ses camarades - nouant un long gilet sombre autour de sa taille. L'effet cosy/sensuel de ce mix maille/peau interpelle le créateur. Le lendemain, au studio : "Si je remplace la nudité de cette fille par une combinaison en dentelle translucide et si je travaille un long pan de maille en mode paréo, je pourrais bien parvenir à transformer ma vision d'hier soir en silhouette phare de ma future collection" (voir ici et là).
En vrac
"J'en ai assez que l'on ne reconnaisse plus mes fringues : la nuit dernière, la barmaid a pris le blazer d'Erin (Wasson) pour un Isabel Marant, alors que c'était un Wang. C'est décidé, je change de place l'étiquette de mes vestes : en les cousant sur la manche, il n'y aura désormais plus de confusion possible...".
"Je me demande ce qui arrive à Tanya (son assistante)... Elle a dû prendre quelques kilos, car elle ne ferme plus ses jeans. En temps normal cela m'aurait agacé (la taille 0 n'est pas négociable lorsque l'on travaille à mes côtés), mais comme sa nouvelle manière de porter ses jeans m'a inspiré le gimmick denim de la collection (voir ici et là), je vais faire une exception...".
"Et si j'essayais de faire passer le vert fluo pâle pour le nouveau blanc ?" (voir ici)
"Ce sera bientôt l'anniversaire de la mort d'Heath Ledger ; je l'avais adoré dans le rôle du Joker, son maquillage était vraiment dingue… Tiens d'ailleurs, pourquoi ne pas appliquer le même traitement graphique - de la matière sale qui dégouline - au smiley que jai prévu de taguer sur le pardessus pied-de-poule de la collection ? (voir ici).
Voir toute la collection : https://www.vogue.com/fall-2019/alexander-wang
Par Lise Huret, le 08 février 2019
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J'adore la série tee shirt en robe du soir , très réussi et une petite version après midi serait envisageable ( à moins que Zara s'en charge )