Marc Jacobs, défilé express et ChatGPT
Entre son visage lissé par la chirurgie esthétique et ses poses étudiées sur Instagram, Marc Jacobs semble s'être laissé grignoter par les diktats contemporains. Pourtant, c'est bel et bien un défilé riche en sous-textes critiques envers l'époque actuelle que le créateur américain a récemment livré à New York. Passage en revue des partis pris forts de ce show et de leur portée symbolique…
Un défilé ultra rapide
Trois minutes : telle fut la durée du défilé Marc Jacobs automne/hiver 2023-2024. Et si certaines rédactrices crurent pendant quelques secondes à un mouvement d'humeur du créateur (on se souvient en effet que ce dernier leur tira la langue en 2007 lors d'un show Louis Vuitton ayant débuté avec une heure de retard), elles comprirent rapidement que le propos du créateur était en réalité plus profond.
Loin de ses facéties puériles d'autrefois, Marc Jacobs s'emploit en effet ici à démontrer la vacuité de notre mode de consommation de l'image. À l'instar d'une intense séance de scrolling sur Instagram, la fréquence des passages du show nous laisse ainsi étourdis, faussement informés (difficile de se souvenir d'un passage en particulier) et légèrement désorientés.
En calibrant ironiquement son défilé pour correspondre avec le temps d'attention de la societé actuelle, Marc Jacobs nous donne à voir un spectacle proche de l'absurde et nous tend un miroir aux reflets des plus dérangeants.
Retour au calme
Après des années passées à imaginer les scénographies les plus grandioses chez Louis Vuitton, Marc Jacobs opère un virage à 180 degrés en optant pour un dépouillement total. À rebours des créateurs ayant besoin pour attirer l'attention de délocaliser leur show, de choisir des cimaises mirifiques ou de convoquer quelques robots savants sur leur podium, il choisit la concision et l'efficacité. Avec certes un peu d'excès, mais l'excès est souvent de rigueur lorsqu'il s'agit d'initier un changement nécessaire.
ChatGPT pris en défaut
En confiant à ChatGPT la rédaction de la note d'intention de son défilé, Marc Jacobs s'amuse avec l'un des sujets les plus discutés du moment, à savoir "Quels métiers seront bientôt remplacés par l'intelligence artificielle ?". Or, la copie livrée par ChatGPT devrait rassurer - au moins temporairement - les rédactrices de mode : manquant de finesse et de culture mode, l'IA ne parvient pas à analyser avec acuité les subtilités de la collection. L'expression "style universel" colle en effet bien peu à l'énergie eighties du show, tandis que la phrase "une approche innovante mélangeant vêtements masculins et esthétique féminine" évoque de manière peu pertinente les costumes resserrés sur la cheville…
Une collection très faible
Si la portée symbolique du show Marc Jacobs ne manque pas de saveur (en incitant l'industrie de la mode - et plus généralement la société toute entière - à ralentir et à revenir à l'essentiel), sa teneur stylistique n'en demeure pas moins peu enthousiasmante. Réinterprétation paresseuse de ses volumes de prédilection, elle confirme ainsi en filigrane l'impression que nous laissent depuis quelques saisons les collections Marc Jacobs : l'ancienne idole fashion peine à trouver un nouveau souffle créatif… Voir toutes les photos du défilé : https://www.vogue.com/fall-2023-ready-to-wear/marc-jacobs
Par Lise Huret, le 28 juin 2023
Suivez-nous sur , et