A six ans déjà, Jean-Paul Gaultier fabriquait des costumes, blazers, cardigans et ensembles à carreaux pour son ours en peluche. Né dans la région parisienne au sein d'une famille modeste, c'est auprès de sa grand-mère qu'il apprend à manier l'aiguille. Chez elle, il découvre un jour un corset, une pièce qui deviendra récurrente dans ses futures collections.
A 18 ans, il décide de faire preuve d'audace en envoyant ses croquis à Pierre Cardin. Ce dernier est séduit et l'embauche pour quelques mois : c'est ainsi que le jeune homme fait ses premiers pas dans le milieu. Il continuera ensuite à se former chez Jacques Esterel et Jean Patou, avant de retourner chez son maître. Il devient alors designer des collections Cardin destinées au marché américain, et passera pour cela deux ans aux Philippines.
Il y acquiert un goût sûr et une technique pointue, si bien que lorsqu'il retourne à Paris en 1976, il décide de lancer sa propre griffe. Malheureusement, son premier opus - une collection de prêt-à-porter féminin - est boudé du public comme des critiques. Malgré tout, la marque japonaise Kashiyama sent le potentiel du jeune styliste et décide, alors que celui-ci perd courage, de lui confier la création d'une collection : le style Gaultier se révèle dans toute sa splendeur et les modeuses tombent amoureuses du fameux ensemble tutu-perfecto.
Dès lors, la fashion sphère est conquise et se laisse charmer par l'univers du designer. Pourtant, celui-ci n'hésite pas à se positionner nettement à contre-courant des tendances, tandis que ses collections se révèlent de plus en plus iconoclastes. En 1983, avec "Boy Toy", il lance ainsi la mode de l'homme-objet, habillé de sa fameuse marinière moulante. L'année suivante, il fait tomber la frontière entre les sexes en présentant un vestiaire androgyne.
Les années 80 voient naître les pièces maîtresses du style Jean Paul Gaultier, telles que le bustier conique ou la jupe pour homme. La critique est dithyrambique ; Gaultier se voit même remettre l'Oscar de la mode en 1987.
Peu à peu, l'empire Gaultier se développe et se diversifie. En 1988, le créateur lance sa première collection "Junior Gaultier" (une ligne de vêtements unisexe plus abordable), tandis que sa ligne "Gaultier Jean's" voit le jour en 1992. Le créateur insatiable créera aussi des meubles mobiles et des bijoux électroniques, avant de lancer en 1993 le premier parfum d'une longue série. Dès lors, seule la Haute Couture restait à conquérir : c'est chose faite en 1997, avec la création de la ligne "Gaultier Paris", suivie de près par le première collection "Jean Paul Gaultier Fourrures".
Le tapageur JPG attire les stars, qui sollicitent ses services : Sheila portera un costume de scène signé de sa main lors d'un concert au Zénith en 1985, et de nombreux artistes lui emboîtent le pas. Il devient alors merveilleusement provocant de se produire sur scène habillé en Gaultier. C'est d'ailleurs dans un corset aux seins coniques que Madonna apparaît lors de sa tournée mondiale "Blond Ambition Tour". En 1990. Sylvie Vartan, Mylène Farmer, mais aussi Julien Clerc et Johnny Hallyday leur emboîteront le pas.
Etant un grand fan de l'univers du spectacle, Gaultier est ravi. Il prendra d'ailleurs le plus grand plaisir à mêler son talent à celui de Régine Chopinot dans les spectacles chorégraphiques du "Ballet Atlantique". Le plus marquant d'entre eux est sans nul doute "Défilé", en 1985, qui met en scène 16 danseurs, comédiens et mannequins dans un univers magique où la danse est sublimée par la mode.
Dès lors, il devient sans conteste le costumier préféré des réalisateurs. C'est lui qui habillera Victoria Abril dans "Kika" de Pedro Almodovar, ou Catherine Deneuve dans "Liaisons dangereuses". On lui doit aussi les costumes futuristes du "Cinquième élément" et ceux de "La Cité des enfants perdus".
Mais Gaultier c'est aussi un homme public, qui anima pendant plusieurs années "Eurotrash"avec Antoine De Caunes (émission déjantée diffusée par la chaîne britannique Channel 4) et qui n'hésita pas à participer à des émissions plus populaires, telles que les MTV Music Awards ou l'Eurovision.
Il faut dire que le créateur véhicule une image très sulfureuse, n'hésitant pas à faire surgir la chanteuse Sapho d'un cercueil ou à envoyer des dindes vivantes aux rédactrices de mode pour Noël. C'est également lui qui se passa de mannequins professionnels lors de certains de ses défilés, leur préférant des femmes de toute corpulence et de tout âge, qui faisaient véritablement vivre son vestiaire.
Cependant, cette image sulfureuse - qui occupe une grande place dans la popularité du styliste - ne doit pas cantonner Gaultier à un simple provocateur. D'ailleurs, lui-même dit ne pas vouloir choquer, mais simplement faire ce qui lui semble bon : "Je défends une chose : ne pas avoir honte de sa différence".
Cette différence Jean-Paul Gaultier, c'est avant tout une ambivalence, un métissage entre la couture classique et un monde de fantasmes, entre la tradition et la dérision. C'est un univers où toutes les frontières sont abolies, entre les sexes, entre les cultures et les genres, et où les critères de bon ou mauvais goût n'existent plus. Ils laissent place à une furieuse joie de vivre, un optimisme tapageur, dans un univers décalé et sexy en multicolore...
Par Lise Huret, le 09 février 2007
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Dans une société qui valorise mal la différence, même s?il est de bon ton d?être soi, c?est vrai la mode nous conforme à quelques micro tendances... Et dans cet univers JPG c?est encore vrai, est un des rares créateurs à nous offrir un regard différent : ses explorations du corps et du vêtement en font un animal à part...A part et pas anticonformiste, car dans une époque profondément marquée par les métissages, les contradictions, les révolutions est-il décidément possible « d? inventer? » une mode sans raconter ce que la société vit dans ses tripes ? Est-ce encore être anticonformiste que d?habiller une société à son image ?