Tout commence avec la naissance de Pierre Balmain le 18 mai 1914 en Savoie. Ses parents tiennent un grand magasin de tissu qui emploie de nombreux membres de la famille. Pierre y passe une enfance heureuse et choyée, entre les métrages de soie et les escapades à la montagne. Sa mère le rêve architecte, lui s'imagine couturier. À 11 ans, il quitte le foyer familial pour entrer en pension à Chambéry, puis continue ses études à Paris. C'est en dessinant quelques costumes pour le Lido que le jeune homme décide de laisser de côté l'architecture au profit de la mode.
Il tente alors sa chance auprès des ateliers de Monsieur Molyneux, qui le prend à l'essai, pour finir par l'embaucher en 1934. Auprès du couturier le plus prisé de l'époque, Pierre Balmain est alors à bonne école pour faire ses armes. En 1939, il entre chez Lucien Lelong et y développe sa technique de coupe. Cependant, les événements internationaux vont stopper sa carrière : la guerre est déclarée, il est appelé sous les drapeaux. Il sera cependant démobilisé en 1940, et retournera chez ses parents.
Il faudra que Lucien Lelong - de passage en Savoie - vienne lui proposer de prendre les rênes de la création des collections Lelong aux côtés du jeune Christian Dior pour que Pierre Balmain se décide à revenir dans la capitale. En dépit de la pénurie et du manque de moyens, Balmain fait des merveilles. L'un de ses modèles - une robe de crêpe noir dénommé "petit profit" - sera même commandé par plus de 360 clientes...
En 1945, la guerre est finie et Pierre Balmain décide alors de s'installer à son compte, en ouvrant sa propre maison de couture. On lui doit (ainsi qu'à Balenciaga et Dior) le renouveau de la haute couture de l'après-guerre. Les créations très pointues de Balmain - où l'on sent la rigueur et l'œil de l'ancien architecte - séduisent les Parisiennes. En parallèle, le couturier développe des parfums : en 1947, "Vent Vert" sera le premier d'une longue série. De 1953 à 1962, il aura à ses côtés un assistant alors encore inconnu du grand public : Karl Lagerfeld.
Rapidement, le style de la maison Balmain, à la fois audacieux et sophistiqué, et conçu pour une femme active, élégante et désireuse de plaire, fait des émules. C'est l'époque du lancement du parfum "Jolie Dame", que le couturier définira ainsi : "Le parfum de l'aventure pour les soirs de passion et d'enchantement". L'écrivain Gertrude Stein définit alors la touche Balmain comme le "New French Style".
En 1956, la maison Balmain compte plus de 600 employés, afin de répondre aux commandes qui ne cessent d'affluer vers les ateliers. Les toilettes Balmain, aux volumes parfaitement équilibrés, aux détails sophistiqués (et parfois osés) sont en effet devenues les préférées de toute la jet-set de l'époque. Le couturier habille alors le gotha des vedettes : Marlène Dietrich, Michèle Morgan, Katharine Hepburn, Brigitte Bardot, Sophia Loren, Dalida...
Son travail attire également l'attention des reines et princesses du monde entier. Les reines du Danemark, de Belgique ainsi que celle de Thaïlande lui commandent des garde-robes complètes. Sa popularité est telle qu'on lui fait dessiner les uniformes de certaines compagnies aériennes, ainsi que les costumes des JO de 1968. En 1970, Balmain est devenu une référence reconnue à l'international. Il décide alors de se lancer dans le prêt-à-porter. Cependant, le créateur est atteint d'un mal incurable et s'éteindra en 1982, en plein essor créatif.
La disparition du maître marque le début des heures sombres pour la maison Balmain. Même si c'est son bras droit (Erik Mortensen) qui reprend alors la direction de la maison (et ce jusqu'en 1990), les collections ne font plus sensation. En 1992, Oscar de La Renta est nommé directeur artistique de la maison. Pendant 10 ans, il fera bénéficier la griffe de son talent. Ses créations ultra sophistiquées renouent alors avec les stars, et séduisent Liza Minnelli, Nancy Reagan, Ivana Trump, Jacky Onassis et Fay Dunaway.
Cependant en 2002, Oscar de La Renta quitte le navire. Balmain dérive alors durant 4 ans... Il faudra attendre l'arrivée du styliste Christophe Decarnin (un ancien de chez Paco Rabanne) pour que Balmain fasse à nouveau la joie des modeuses. Pour Christophe Decarnin, Balmain évoque "Le soir, les robes de princesses des années 1950 très glamour, et le parfum Ivoire". C'est ce qu'il développera à sa manière en axant son travail sur le soir couture.
Tout en proposant des créations ultra-courtes, absolument précieuses, entre rock, glamour et glitter, Decarnin respecte les fondamentaux de la maison, basés sur une certaine sobriété de coupe. Dans un premier temps, il exclut les vêtements de jour, axe son travail sur le raffinement du soir et redonne ainsi à Balmain son piment élitiste.
En quelques saisons, le styliste est parvenu à synthétiser l'héritage de Pierre Balmain et à moderniser l'image de la maison en plébiscitant des longueurs extra courtes très soir, et un style aristo-rock en adéquation avec la femme énergique d'aujourd'hui, incarnée (selon lui) par Kate Moss. Preuve de son succès, Christophe Decarnin est parvenu à renouer avec les stars. Céline Dion, Audrey Tautou, Marion Cotillard et tout récemment Gwyneth Paltrow affichent ainsi clairement leur addiction aux micro robes bijoux de la griffe...