Contrairement à ce que l'on pourrait penser, "Picture me" n'est en rien la revanche d'une mannequin aigrie en manque de reconnaissance. Il s'agit en effet d'un documentaire ne cherchant ni à noircir le trait, ni à stigmatiser l'univers du mannequinat, mais plutôt à montrer ce qui d'habitude est passé sous silence. Tout commence lorsque la mannequin Sara Ziff - que l'on a pu voir entre autres au coeur des campagnes Calvin Klein, Stella McCartney et Dolce & Gabbana - décide, avec son petit ami de l'époque, de filmer les coulisses des défilés. Le projet est alors des plus innocents...
Cependant, au fil des prises de parole de ces filles à qui l'on ne donne finalement jamais l'occasion de s'exprimer, le duo commence à entrevoir le versant sombre de la mode et décide de pousser plus loin les interviews. Au bout de cinq années de pellicule, Sara Ziff et Ole Schell se retrouvent avec une mini bombe médiatique, mettant en exergue bien plus que les "classiques" problèmes d'anorexie frappant le microcosme des modèles...
On y apprend ainsi que nombreuses sont les très jeunes mannequins (15 ans) qui, complètement novices, se sont laissées abuser sexuellement par certains photographes parmi les plus prestigieux. L'une d'elles raconte notamment que son agence lui a demandé - à 16 ans - de passer la nuit avec un photographe star...
Bien sûr, une grande partie de ces mannequins ne parlera pas, ne sachant pas où se trouve la limite entre le professionnellement correct et ce qu'elles doivent refuser. Au coeur d'un milieu où l'argent coule à flot, où les journées s'étirent bien au-delà du raisonnable et où les frontières entre travail et vie privée sont plus que jamais très floues, ces adolescentes s'avèrent être des proies faciles.
Sara Ziff révèle d'ailleurs une anecdote nous permettant de prendre la mesure de l'omerta pesant sur ces pratiques : la veille de la projection du film, l'une des mannequins interviewées l'a ainsi supplié de retirer le passage où elle dévoilait le nom du photographe ayant abusé d'elle...
On ne peut au final que saluer le courage de la jeune réalisatrice qui, tout en sachant très bien que le milieu de la mode lui en tiendrait rigueur, a tenu à briser cette loi du silence auréolée de paillettes et de champagne...
Par Lise Huret, le 11 juin 2009
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