Maria Grazia Chiuri chez Dior, la déception
Irréprochable mais peu enthousiasmante, la troisième collection de Maria Grazia Chiuri chez Dior laisse à penser qu'en dépit des nombreuses qualités de la créatrice italienne, celle-ci pourrait ne pas vraiment être à sa place au sein de la maison parisienne...
Un a priori très favorable
Lorsqu'en juillet 2016, Dior annonce l'arrivée de Maria Grazia Chiuri en tant que directrice artistique de la griffe, rares sont ceux qui y trouvent à redire. Il est vrai que les 30 ans d'expérience de la quinquagénaire et sa réussite chez Valentino ont de quoi rassurer, sans parler du message positif envoyé par l'accession d'une femme à un poste jusqu'ici systématiquement occupé par un homme. Autant dire que la créatrice italienne bénéficie alors de la totale bienveillance de la fashion sphère.
Ses collections chez Dior
Printemps/été 2017
En mettant en avant ses convictions féministes via des tee-shirts à messages, la créatrice inscrit son défilé dans l'air du temps, à défaut de le rendre inoubliable. Il est vrai que si les silhouettes fonctionnent parfaitement, les vêtements du show manquent cruellement de caractère. Un état de fait qui n'empêche cependant pas la critique de saluer unanimement ce premier opus. On se dit alors que l'on a sûrement tort d'être déçue par celle qui promettait de sublimer la fusion entre féminisme et féminité, et qu'il faut lui laisser sa chance.
Haute Couture printemps 2017
Présenté sous une immense tente transformée pour l'occasion en serre elfique, le premier opus couture de Maria Grazia Chiuri chez Dior se révèle moins bon que la plupart de ses collections chez Valentino, même s'il assure aux nouvelles clientes de la maison leur quota de néo robes de princesse. Étonnamment, les références au travail de Christian Dior se révèlent peu nombreuses et peu inspirées : la veste Bar déclinée en mode péplum a notamment du mal à convaincre. Mais la presse continue d'applaudir. On se dit alors que l'on est probablement trop tatillon...
Automne/hiver 2017-2018
Long monologue bleu, la collection de saison fait le choix de s'inspirer du passé de résistante de Catherine Dior - la soeur de Christian - et d'évoquer les fameuses "périodes bleues" que connurent certains artistes. Oui mais voilà, si sur le papier l'association de ces deux thèmes apparaît particulièrement prometteuse, la réalité du podium est tout autre. Rien de vraiment rédhibitoire (Maria Grazia Chiuri est une excellente styliste), mais l'absence de prise de risque devient problématique. Très commerciale, la collection est en dessous de ce que l'on est en droit d'attendre d'un opus Dior. Alors que des voix commencent à s'élever dans la presse (merci Cathy Horyn), on se dit que l'on avait finalement peut-être vu juste...
Maria Grazia Chiuri + Dior = un mauvais mix ?
Plutôt que de partir des archives et d'en livrer sa propre interprétation, Maria Grazia Chiuri se focalise sur l'exacerbation de la dimension portable de l'univers Dior et se comporte comme si elle était à la tête d'une griffe dépourvue de tout ADN. Or, on ne devient pas directeur artistique d'une maison telle que Dior pour faire table rase du passé, à moins d'apporter une vision extrêmement forte et/ou un parti pris stylistique révolutionnaire.
Alors certes, Maria Grazia Chiuri est une professionnelle hors pair. Elle sait créer de la beauté et a des convictions. Pour autant, ce n'est pas une créatrice innovante : accompagnée de Pierpaolo Piccioli, elle donna naissance chez Valentino à des collections impeccables qui comblèrent aussi bien les clientes qatariennes que les habituées des tapis rouges, mais qui n'exhalèrent aucun génie créatif. Du génie esthétique, à l'évidence, mais pas de génie créatif... Or, une maison telle que Dior se doit d'avoir à sa tête une personne capable de revisiter inlassablement les volumes, de faire parler les tissus, de redéfinir la notion de modernité, de transfigurer les archives, de s'interdire la facilité…
Par Lise Huret, le 06 mars 2017
Suivez-nous sur , et
Dior version Chiuri est devenu d'un consensuel assommant !