Au sein de la déferlante iconographique qu'entraîne chaque saison le lancement des campagnes publicitaire, il arrive parfois qu'une série de clichés fasse la différence. Une série qui, contrairement à ses cousines esthétiquement parfaites mais dépourvues de contenu narratif susceptible d'exciter l'imagination, suscite l'intérêt et donne envie de s'attarder à la décortiquer. Cette saison, on pense tout particulièrement aux clichés Miu Miu capturés par Alasdair McLellan, qui irradient d'ondes jouissives et positives. Reste à savoir pourquoi…
L'usage de Photoshop se révèle ici assez limité : les corps et carnations apparaissent réels et non curieusement floutés, ce qui génère une sensation de proximité avec les modèles. Mettant en avant des beautés diverses (allant de la femme de 40 ans à l'actrice juvénile - mais pas stéréotypée - en passant par des mannequins de diverses nationalités), le casting contribue également à estomper les barrières qui s'érigent d'ordinaire entre mannequins sur papier glacé et spectatrices/consommatrices. Aussi scénarisée soit-elle, la complicité entre ces femmes n'en semble pas moins réelle. Ici, la fausse proximité entre des lianes glaciales et sexy cède la place à une gestuelle plus douce, presque spontanée, la concurrence s'estompant au profit d'un relationnel joyeux. Assez couvrants et ne nécessitant pas de posséder un corps de mannequin Victoria's Secret pour s'y glisser, les maillots de bain rétro imaginés par Miuccia Prada diffusent sur l'ensemble de la campagne une aura à la fois bienveillante et non excluante.
Naturalistes et esthétiques, les clichés pris sous l'eau capturent le corps en mouvement, célébrant ainsi sa vraie nature (voir ici et là). Et si l'on peut légitimement s'étonner de voir les femmes Miu Miu nager en talons aiguilles, cela n'est-il pas préférable aux poses dramatiquement figées de leurs collègues ? Il émane de la mise en scène léchée de la campagne - qui apparaît comme un savant mélange entre des films tels que Il Sorpasso ou Beach Blanket Bingo - une joie de vivre presque désuète, où candeur et ultra sophistication font bon ménage. L'ensemble inonde les papilles de saveurs sucrées, tout en saturant l'oeil de détails néo-espiègles pour élégantes d'hier et d'aujourd'hui. Si la plupart des campagnes publicitaires de saison ne parviennent pas à emmener la consommatrice au delà des vêtements présentés, il n'en va pas de même pour les clichés Miu Miu, qui ont tout de l'invitation à la divagation Wes Andersonienne. On pense notamment à cette jeune femme qui semble avoir pillé la valise de sa grand-tante en villégiature sur la côte italienne, à ces autres qui semblent attendre gentiment la fleur à l'orteil une distribution de sucettes Willy Wonka ou encore à ce duo qui n'est pas sans évoquer une version acidulée des deux - pour le moins excentriques - Edith Bouvier-Beale. Étendue sur le sable en manteau éponge, Elle Fanning a quant à elle tout de la fillette surdouée ayant trouvé le moyen de concilier interdiction d'aller au soleil et désir irrépressible de profiter d'une journée à la plage avec ses grandes soeurs…
Ce que j'en pense
À l'heure où ses homologues ont trop souvent tendance à générer de l'indifférence, cette campagne fait à l'inverse pétiller le cerveau, nous donnant simultanément envie de renouer avec notre ex-meilleure amie afin de se planifier un week-end sur la côte amalfitaine, de ranger ses complexes au placard en s'offrant un bikini taille haute, de se servir un verre de Chardonnay devant un vieux film de Dino Risi, de délaisser le Pilates au profit de la natation synchronisée, de faire du surf en talons aiguilles et de préférer aux tendances l'élégance d'un coup de folie vestimentaire.
Et si l'on pourrait se dire à première vue que cette campagne ne donne pas forcément envie de courir s'offrir une pièce Miu Miu, il me semble au contraire qu'en faisant naître en nous pensées colorées et élans joyeux, celle-ci risque au final de se révéler bien plus efficace que n'importe quelle photographie de Gigi Hadid, tant elle associe dans notre subconscient "Miu Miu" avec "ondes très positives". Or, nul doute que le subconscient joue un rôle déterminant en matière de pulsions acheteuses...
bon, c'est sûr qu'on ne se projette pas, là, tout de suite, étalée sur la plage en manteau Miu Miu !! mais ce sont de jolis visuels et, pour une fois, les filles ne sont pas des tas d'os à qui il faut donner à bouffer! :-)
Article savoureux au goût délicieux de cours d'Histoire de l'Art, j'aime beaucoup!
Heu, en même temps, je n'ai jamais assisté à un cours d'Histoire de l'Art mais c'est ce qui me vient à l'esprit ;)
Ton analyse de cette campagne de pub m'a permis un autre regard sur ces vêtements qui, de prime abord, me semblaient tellement extra-terrestres.
Encore une fois, merci Lise :)
Bravo pour cet article qui "met en scène" une belle mise en scène de maillots de bain ! Pour une fois, ce n'est pas le corps qui est mis en avant, mais le maillot et l'ambiance qu'il est censé dégager.
En ce qui concerne les vêtements c'est du recyclé... chez Miu Miu j'ai toujours l'impression de voir les mêmes choses.
Ce qui m'importe ce sont les coupes, les vêtements si la campagne est joli tant mieux mais pour moi cela reste secondaire
Les "médiatiques communicants" chez YSL pourraient peut-être s'en inspirer au lieu de nous "bassiner" avec leurs pubs vulgaires et de mauvais goût ... !
Merci pour ce bel article à l'avant goût de printemps ( je n'en peux plus de la neige, au secours !!) qui me replonge dans l'univers joyeux et léger ( même si pas seulement) du film " Moonlight Kingdom ".
J'espère que vous êtes bien au chaud tous les 3 ce matin...
Je suis folle amoureuse de cette campagne ! Effectivement, elle sort tellement du lot, ça fait plaisir à voir !
Et en plus de ça elle me donne vraiment envie de m'acheter un maillot de bain à l'imprimé et à la coupe rétro ;-)