Erdem x H&M, la collection de tous les dangers
Erdem Moralioglu a beau être moins connu du grand public que la plupart des guest designers ayant collaboré avec H&M, le Canadien n'en demeure pas moins un des créateurs les plus doués de sa génération. Un état de fait qui ne nous empêche cependant pas de douter de la capacité de sa grammaire stylistique (qui fait la part belle aux dentelles raffinées, aux velours moirés de qualité et autres broderies délicates) à survivre à un traitement "fast fashion"...
À force d'être déçus par le résultat des collaborations masstige initiées par l'enseigne suédoise H&M, la logique voudrait que nous détournions le regard à l'instant même où un nouvel opus se profile à l'horizon. C'est en tout cas ce que nous nous promettons à chaque fois que le marketing tonitruant entourant ce genre de collections accouche de produits ne méritant pas une telle publicité. Oui mais voilà, H&M a le chic pour faire renaître en nous l'espoir en jetant son dévolu sur des créateurs pointus, dont l'immersion temporaire au sein des contraintes de la fast fashion ne peut que susciter la curiosité. C'est indubitablement le cas cette saison avec l'arrivée d'Erdem Moralioglu au sein du cercle des créateurs n'ayant pas boudé le coup de projecteur magistral que leur offrait l'empire de Karl-Johan Erling Göran Persson (PDG de H&M). Lauréat en 2014 du British Fashion Awards, celui qui aime fusionner références aux siècles derniers, ode à la féminité et sensualité poétique livre en effet depuis 2005 des collections dont le romantisme élaboré ne manque pas de séduire la critique.
Seul ombre au tableau, son travail se basant majoritairement sur des matières d'exception, la mutation de ces dernières en mode fast fashion risquant de s'avérer périlleuse. On pense notamment à :
Ces guipures mates et raffinées qui pourraient vite se faire plus vulgaires que délicates (voir ici).
A ces patchs strassés qui ne souffriront pas de se voir déclinés en mode "économique" (voir ici).
A ces tissus de sequins parés de broderies (voir ici).
A ces velours ras dont la souplesse et le tombé semblent incompatibles avec les prix pratiqués par H&M (voir ici).
On note par ailleurs que les pièces les plus alambiquées de ses récents défilés auront tout intérêt à résister aux sirènes de la démocratisation fashion. Erdem Moralioglu aurait également tort de céder à la facilité en dupliquant ses pièces les plus basiques en "mode H&M", tant leur valeur ajoutée se loge moins dans leur coupe que dans leur matière (veste militaire, blouson).
Afin de contourner ces difficultés, le créateur canadien gagnerait certainement à se focaliser sur la qualité de ses imprimés (un motif élégant vaut en effet bien mieux qu'une dentelle singeant ses consoeurs de Calais) et à vulgariser certaines coupes empruntées à ses collections passées (voir ici, ici, ici et là), qui une fois légèrement épurées pourraient donner naissance à des toilettes potentiellement désirables. À suivre...
Par Lise Huret, le 17 juillet 2017
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