Le plastique chic de Phoebe Philo
En guise d'adieu aux célinophiles, Phoebe Philo a choisi cette saison de placer ses pas dans ceux des facétieux Demna Gvasalia et Marc Jacobs en livrant un "it" bag aux allures de ready-made fleurant bon le scandale fashion…
Après être passé presque inaperçu lors du défilé Céline printemps/été 2018, le sac en plastique fermement agrippé par Daniela Kocianova est réapparu début janvier au sein d'un pop-up store de la griffe, où l'on pouvait l'acquérir pour la modique somme de 590 dollars. Depuis, ce dernier ne cesse de faire le miel des trendsetteuses et des photographes street-style. Un phénomène intriguant qu'il est intéressant de décrypter en embrassant différents points de vue...
Le point de vue du fan
Après avoir passé près de 10 ans à soudoyer les vendeuses des boutiques Céline afin de récupérer boîtes siglées inutilisées, sacs d'emballage légèrement abîmés (et donc impropres à être distribués à la clientèle) et autres papiers de soie marqués des six lettres iconiques, cette fan inconditionnelle - mais sans le sou - du travail de Phoebe Philo compte bien honorer le dernier coup d'éclat de son maître esthétique en s'offrant ce sac en plastique semi-rigide. Car si certains y voient une facétie à seule visée commerciale, elle y voit quant à elle une ode à Marcel Duchamp ainsi qu'un clin d'oeil tendre à toutes ces femmes qui expérimentent au quotidien la "double journée" en arpentant les allées de leur Monoprix à 19h passés pour remplir le frigo. Reste le problème du prix du fameux sac… Qu'importe, un cierge à sainte Céline devrait l'aider à trouver une solution. Les miracles ne sont-ils pas en train de redevenir à la mode ?
Le point de vue du décrypteur de tendances
Si l'on en croit l'analyse de Mr X du bureau de tendance Y, ce sac en plastique signé Céline est loin d'être une création gratuite ayant pour seul but de faire le buzz. Celui-ci s'inscrit en effet au sein de deux tendances, l'une de fond, l'autre saisonnière :
La première débute chez Louis Vuitton, lorsque Marc Jacobs décida de détourner les cabas "Barbès" en sacs hors de prix. Il récidivera un peu plus tard en transformant des sacs-poubelle en sacs à main (également hors de prix). Plus récemment, ce fut au tour de Demna Gvasalia de livrer chez Balenciaga une version cuir des fameux sacs bleus Ikea. Autrement dit, cela fait plusieurs années que le "ready-made " est devenu une figure de style à part entière du dictionnaire fashion.
La seconde tendance met à l'honneur le plastique translucide. Utilisé de manière facétieuse (Off White, Comme des Garçons) ou plus conventionnelle (Maison Margiela), ce dernier permet de jouer avec les superpositions en créant des contrastes inattendus (voir ici et là).
Le point de vue du sociologue
Pour cet éminent chercheur en phénomènes socio-fashion, deux raisons ont incité Phoebe Philo à créer ce sac :
Une envie irrépressible de l'intéressée - après 10 années à jouer les petites filles sagement intello du "crew LVMH" - de poser un acte de rébellion. Or, à l'heure du tout recyclable, quoi de mieux qu'un sac en plastique pour jouer les punks le temps d'une saison ?
Le besoin de coller à un air du temps au sein duquel l'exigence de transparence se fait de plus en plus présente. En dévoilant ostensiblement le contenu de notre sac à main, nous permettons ainsi au passager assis à côté de nous dans le métro de savoir que nous ne transportons pas de bombe à neutrons, à notre collègue que nous avons - à notre grand regret - suivi ses conseils de lecture en achetant le dernier Katherine Pancol ou encore à notre mari que nous n'emportons pas avec nous de la lingerie affriolante susceptible d'émoustiller un potentiel amant. Autrement dit, ce sac est en lui-même un véritable produit altruiste, permettant d'apporter la paix de l'esprit à ceux qui nous entourent. Ceux qui y verraient au contraire une incitation au voyeurisme auraient de toute évidence l'esprit mal tourné…
Le point de vue de la néophyte
En surfant sur internet, elle découvre que la dernière lubie des filles à la mode consiste à porter un sac en plastique en guise de sac à main. Elle sourit : "Pour une fois, être tendance ne va pas leur coûter trop cher à ces sauterelles dépourvues d'appétit !". Quelques secondes plus tard, elle manque de s'étouffer avec le Mentos qu'elle suçote depuis 5 minutes lorsqu'elle découvre que ledit sac vaut la moitié de son loyer. Elle a beau essayer de comprendre, elle ne parvient pas à saisir ce qui peut pousser un individu à dépenser 590 dollars dans un sac que l'on peut trouver pour 4 euros chez un grossiste. Mais qu'importe son incompréhension : elle vient enfin de trouver l'exemple parfait pour expliquer à son petit garçon le sens de l'expression "jeter l'argent par les fenêtres"...
Par Lise Huret, le 26 février 2018
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Ce passage m'interpelle. On exige du citoyen une transparence totale pour améliorer son confort sa sécurité, son bonheur...
On nous invite à partager nos vie sur les réseaux socio, notre vie est renseignée dans les moindres détails sur des banques de données ( achats CB, carte vitale, rien que ces deux choses là permettent d'en savoir plus sur nous que notre psy et notre mère en savent) , on nous impose des caméras de surveillance partout ( voir ces villes qui font exploser leur budget pour un résulta nul), on trace les déplacements des porteurs de cartes de transport ( donc des gens qui n'ont pas de gros moyens le plus souvent) dans certaines villes ( oui, le ticket avait cela de bon qu'on ne pointait qu'une fois et pas à chaque changement de direction...) ... Bref on est dans 1984 . Celui qui refuse de se plier à la grande orgie du "moi à poil " est pointé du doigt : c'est un adepte de la théorie du complot ( " mais non, c'est inoffensif, pourquoi voir du recueil de données et du contrôle de la population partout..."
Montrer le contenu de son sac ( qui ne peut être fouillé que par des agents assermentés et qui reste le seul petit espace privé qu'une femme porte à son bras) , serait dans ce cas d'un altruisme mal renseigné. Il s'agirait plutôt d' un acte de soumission. et de renoncement à ses droits fondamentaux à la vie privée.