En 2000, la société Lacoste qui cherche à donner une nouvelle dynamique à son secteur prêt-à-porter a sous la main 4 stylistes susceptibles de faire l'affaire. Elle choisira Christophe Lemaire… Il est nommé directeur artistique pour toutes les collections Lacoste. Un travail de titan et surtout un immense challenge à relever pour cet homme animé par le désir profond de faire évoluer la marque.
Le fait que le jeune homme à l'époque se fut déjà lancé dans l'aventure en créant sa propre marque a séduit le cabinet de recrutement de Lacoste. En effet, Christophe Lemaire ne fait rien comme les autres… Après Hypokhâgne et un passage aux Arts Déco, il devient assistant-styliste (presque par hasard, il prend le job pour payer son loyer) chez les plus grands : Thierry Mugler, Jean Patou et Christian Lacroix.
Il y apprend les rudiments de la coupe et la grande rigueur liée à la Haute Couture. Mais c'est ses quatre années chez Lacroix qui lui seront le plus profitables, car Christophe Lemaire a la même passion que le couturier : ils vouent tous les deux un véritable culte à la couleur. De plus, Christian Lacroix fait partager à son jeune assistant sa culture livresque concernant l'histoire de l'art et du costume. En 1990, Lemaire décide de voler de ses propres ailes et de lancer sa griffe, qui dès le début est déjà fortement influencée par le sportswear et la musique. Car si le jeune homme ne s'était pas épanoui dans la mode, c'est derrière des platines qu'il aurait exercé son talent. C'est d'ailleurs lui qui a mixé pour l'ouverture de sa boutique parisienne ou lors de ses défilés… C'est donc à un homme pragmatique et passionné que Lacoste confie les rênes en 2000. Pour Christophe Lemaire, la difficulté réside dans le fait de faire évoluer une marque qui fait déjà un très bon chiffre d'affaires et dont la stratégie commerciale fonctionne à merveille.
Son but est de convaincre les décideurs de faire confiance à la création et non de suivre aveuglément les vendeurs qui orientent indubitablement la production vers des rééditions des classiques. Certes Lacoste à une sorte de code, d'esprit auquel il ne faut déroger, mais pour Lemaire il y a de multiples façons de l'interpréter.
Ses mots d'ordre : Fraîcheur, Décontraction et Elégance… Sa chance ? C'est d'avoir un certain nombre de traits communs naturels avec Lacoste : la couleur, qui est l'un des points forts de la marque est depuis longtemps un des centres d'intérêts principaux du designer, et son influence sportswear liée à un savoir-faire haute couture…
Il ne pouvait que propulser la marque au-delà des zéniths déjà atteints… Ses inspirations ? La rue, le mouvement… Depuis longtemps il a compris que c'est eux qui dictaient leurs lois. Il voyage énormément tout en étant domicilié à Paris, il s'envole souvent vers le Japon ou New York. Il y puise cette énergie nécessaire pour faire avancer la mode et cet enthousiasme contagieux envers la modernité. Lemaire pour Lacoste, c'est le respect des règles et une digression du concept diffusé par le fameux polo… C'est l'allure BCBG, quasi familiale, réinterprétée en un concept utilitaire chic. Dans ses collections il parvient à mixer les classiques européens et des pièces venues d'ailleurs, le tout baigné des couleurs franches et acidulées de la marque… La vision de la mode qu'il diffuse à travers les collections Lacoste ? Une mode nomade et désinvolte tout en restant graphique et structurée. Sa grande modernité c'est d'être toujours dans le décalage subtil qui petit à petit a donné une image plus pointue à Lacoste. Lemaire essaie de se libérer de toutes les idées préconçues liées à la beauté et l'esthétique. C'est ainsi qu'il a découvert au Sénégal des guerriers d'une rare élégance vêtus de très peu de choses…
De là vient son questionnement permanent sur ce qui fait l'allure, le style. La reconnaissance de son travail pour Lacoste et l'engouement suscité par les défilés de la marque (le « plus » Lacoste, c'est que la quasi-totalité des pièces montrées durant les shows sont disponible en magasins), tout cela lui a donné envie de retenter sa chance en solo. Il mène désormais les deux batailles de front. Parcours sans faute…
La boutique parisienne : 28 rue de Poitou dans le IIIe arrondissement
Photographe : Wing Shya
Architecte : Franklin Azzi
Par Lise Huret, le 28 mai 2007
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