Christopher Kane a grandi au milieu de ses 4 frères et soeurs, au sein d'une famille écossaise bienveillante auprès de laquelle ses goûts artistiques ont pu s'épanouir sans être contrecarrés ni dépréciés. Il parvient à entrer à la très prestigieuse Saint Martins School, véritable pépinière à talents : John Galliano, Chalayan, McQueen et Stella McCartney en sont issus…
L'avantage de cette école réside dans le fait que les yeux des "décideurs" de la mode sont en permanence braqués dessus. Les jeunes talents y sont repérés très tôt, de telle sorte qu'il n'est pas étonnant qu'à peine sorti de l'école, un jeune diplômé se voit propulsé à la direction artistique d'une grande maison de couture.
Dès ses premiers mois d'études, Christopher Kane se fait ainsi remarquer par Donatella Versace, qui décèle très vite chez le jeune Christopher un certain goût du glamour et du sexy racé qui lui rappelle la griffe de son frère Gianni. Il suscite chez elle un tel enthousiasme qu'elle financera sa collection de fins d'études.
Versace s'intéressant à Kane, l'alarme est donc sonnée : Anna Wintour elle-même décide de regarder de plus près le travail de ce jeune homme qui a su charmer la madone italienne. Son jugement est positif, elle invitera le jeune homme au gala que Vogue US organise chaque année, réception qui réunit tout le gotha de la mode, de Lagerfeld à Giorgio Armani. L'avenir de Christopher Kane ne peut être placé sous de meilleurs auspices…
Son défilé été 2007 sous sa griffe éponyme offre une variation psychédélique d'une petite robe ultra strech. Inspiration eighties et jet set, faux minimalisme, fluo et dentelle, corset et élasthanne cohabitent : l'effet produit est intense voir intriguant. Une telle allure, à la fois ouvertement sexy et conceptuelle en diable ne peut laisser l'assemblée indifférente. Sa collection, présentée en février 2007, ne fera qu'achever son statut de jeune prodige, exigeant et retord aux diktats commerciaux.
Le jeune Kane se fait ainsi une idée bien précise de ce qu'est ou doit être la féminité, ou tout du moins ce que lui veut en dire. Ses collections ne sont composées que de robes sophistiquées, néo baroques et chatoyantes. Aucun pantalon ou autres pièces qui pourraient faciliter le quotidien au détriment de la classe ou du sex appeal ne trouvent place dans son vestiaire. Les géants du luxe et les dieux de la mode ne comptent pas laisser filer un tel personnage.
À peine quelques mois après être sorti de la Saint Martins School, Topshop lui commande une collection, ce qui vaudra à Christopher Kane d'être connu du grand public. Dès lors, les collaborations s'enchainent : Swarovski lui donne carte blanche pour dessiner une collection de bijoux, Manolo Blahnik s'offre ses services pour créer en duo l'opus automne-hiver de sa ligne de chaussures, et sa bonne fée Donatella Versace le nomme consultant de la maison Italienne. L'homme est un bourreau de travail, hyperactif, passionné, à contre-courant des autres jeunes designers anglais.
Il semble être celui que tous attendaient : l'année qui a suivi son arrivée sur le marché de la mode, les récompenses qui ont couronné son travail l'ont littéralement submergé. Il reçut ainsi les titres de "Nouveau Designer écossais de l'année" et "Meilleur jeune styliste" (prix décerné par le magazine ELLE), et fut désigné parmi les grands Britanniques par le Daily Telegraph… Incroyable et fulgurante ascension pour un jeune homme qui semble s'excuser lorsqu'il salue à la fin de ses défilés.
Ce garçon est surprenant à plus d'un titre : timide, il se livre à peine, alors qu'un tel succès légitimerait bien un brin d'orgueil. Ses créations semblent être conçues pour habiller des poupées… Christopher habille des femmes rêvées qui n'auraient ni obligations ni métiers harassants. Des femmes qui se nourriraient essentiellement de daiquiri, afin de rentrer dans ses micros robes qui ne vont jamais au-dessus de la taille 40. Des femmes dont la féminité ne souffrirait pas de porter autre chose que des tenues racées, luxueuses et étincelantes…
Christopher Kane évolue dans sa réalité et ne tient pas compte de la réalité tout court. Mais n'est-ce pas ce que l'on demande à un créateur, de nous emmener dans son univers ? La mode n'est-elle pas avec l'art, le seul domaine où l'on peut encore se jouer des contraintes du quotidien ? Et si le désir de Kane est de ressusciter la bimbo Versace en lui concevant un nouveau dressing plus conceptuel, pourquoi pas ?
L'idéal féminin de Christopher Kane ? Sa soeur Tammy, avec qui il vit et travaille : elle est sa muse, son égérie et sa collaboratrice. Le rapport que le designer entretient avec la féminité est un brin iconoclaste, ce qui explique peut-être son approche si particulière du vêtement. Sa collection été 2008 est attendue avec impatience sur les podiums londoniens… Ce ne sera alors que la troisième saison de ce petit Mozart de la mode… va-t-il continuer à nous subjuguer ? En tout cas, on l'espère…
Par Lise Huret, le 21 août 2007
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