Tout commence avec une armée de nurses arpentant le podium et écrivant à la manière d'un rébus le nom de la maison. On voit ainsi défiler autant de lettres composant "Louis Vuitton" que d'uniformes d'infirmières revisitées : bas blanc, blouses dissimulant à peine des mini-robes de cocktail que l'on imagine sexy, sacs variés, monogrammés et trempée dans la teinture hype du moment, le tie and dye… Ces nurses semblent avoir subi le même sort que les ménagères électrocutées du défilé Marc Jacobs de septembre : on les sent décadentes, tout proche de la faute professionnelle. Pour ne rien gâcher, derrière ces masques de résilles ce n'est rien de moins que la crème des tops qui se cache : Vodianova, Kurkova et Campbell…
Le coup d'éclat est consommé, l'attention aiguisée, les choses sérieuses peuvent alors commencer. Marc Jacobs, dont le talent a sérieusement été remis en question dernièrement par certaines rédactrices de mode, a décidé de livrer un aperçu global de ses possibilités, de jeter pêle-mêle ce qui l'inspire, de développer telle ou telle idée qui lui est chère, sans prêter attention au qu'en-dira-t-on… C'est ainsi que l'on retrouve un tailoring débridé, sectionné tous azimuts, des silhouettes de jeunes Américaines sages au cardigan détourné en pièce de dessous, des jupes python entourées d'un chandail, des tenues conventionnelles entièrement transparentes, ainsi que des longs gants de voile pastel nervurés de fluo…
Marc Jacobs brouille les pistes, s'amusant à faire de son défilé un grand melting-pot, mêlant lurex et soie, robe de cocktail "Amérique bien pensante" à un foisonnement de tulle arc-en-ciel, lamé étincelant et stretch mauve, pour une toilette entre girly et chic. Le tout acidulé ou chatoyant, telle une avalanche de friandises pour grandes personnes.
Puis lorsque les styles, les coupes et les matières se sont bien entremêlés, le styliste décide de remettre en place le puzzle et offre, le temps de quelques passages, de jolies silhouettes tout sauf sages, mais cohérentes et transposables dans la vie quotidienne… Ensuite la partie reprend de plus belle, les codes du vestiaire bourgeois des années 70 se voient encore une fois chamboulés, les imprimés tapisserie parent des jupes séparées en leur milieu, les cardigans se portent au dessus des blazers, tandis que les fentes des jupes remontent bien au-delà de la bienséance…
Entre provocation, mise en abîme de son propre style et dérision, certains looks semblent avoir été gracié, comme par exemple cette mousseline savamment plissée et ajustée, associée à une blouse de lurex verdoyante, qui est du plus bel effet, ou encore cette toilette élégamment noire et asymétriquement chic, démontrant que Marc Jacobs sait et sait même très bien rendre une femme séduisante dans les règles de l'art…
Les extravagances, les clins d'oeil, les déconstructions et les paradoxes continueront jusqu'à la fin du show, où Marc Jacobs surgira une télé à la main, transformée en sac diffusant Bob l'éponge. Le styliste, fier de son pied de nez aux bien pensants, ne s'en tiendra pas là et ira grimacer devant l'une de ses plus ferventes détractrices…
Même si ses collections frisent le faussement conceptuel et que certaines de ses créations sont déroutantes, on ne peut s'empêcher de trouver ici et là des traits de génie, des associations inédites, des coupes bien pensées, de multiples petites choses qui nous font nous interroger : Marc Jacobs, virtuose ou imposteur ? Ou un peu des deux ?
©photo : Vogue
Par Lise Huret, le 08 octobre 2007
Suivez-nous sur , et