Tout a débuté en 1945, lorsque Céline Vipiana décide de créer avec son mari une marque de chaussures sur mesure pour enfants. Elle soupçonne que la fin de la guerre et l'engouement qui l'accompagne renouvelleront le désir de consommer, et que les classes aisées seront friandes de tout ce qui s'apparente au luxe. Céline Vipiana a vu juste ? ce sera souvent le cas tout au long de sa carrière - car "Celine, le bottier pour enfants" est un franc succès.
En 1948, le couple ouvre trois boutiques à Paris. Les petits Parisiens et leurs riches mamans s'y ruent. En bonne visionnaire, Céline Vipiana comprend l'importance du marketing pour attirer et fidéliser sa clientèle. Elle distribue ainsi à chacun de ses petits clients une miniature représentant un éléphant rouge - emblème de la maison - et parvient à ce que le petit train du jeudi après-midi soit peint aux couleurs de ce même pachyderme.
La réputation d'excellence de Celine se propage alors rapidement. Le raffinement de ses créations, les noms - extraits de contes de fées - qu'elle donne à chacun de ses modèles font d'elle une marque à part, intrigante et désirable. La maison compte parmi ses jeunes clients le Prince Albert et sa soeur Caroline de Monaco…
Dans les années 60, le succès est tel que Céline Vipiana pense à se diversifier. Elle développe ainsi des produits tels que les gants, les chapeaux, les foulards, les bijoux, et dessine un modèle de mocassin - le Polo - qui, en dépit d'être destiné aux jeunes filles, sera très vite adopté par leur mère. Cette chaussure, directement inspirée du mocassin indien, devient néanmoins extrêmement citadine grâce à une petite barrette de bronze posée sur son dessus. Elle devient emblématique de la marque est sera suivie d'autres produits qui eux aussi deviendront cultes, tels que l'Inca, le Byblos et le Melville.
En 1964, elle lance son parfum intitulé "Vent fou". Puis l'idée lui vient de proposer du prêt-à-porter dans ses boutiques. Alors que tous lui assurent que cette idée est vouée à l'échec (car une femme ne s'habillera pas là où elle achète ses chaussures), Céline Vipiana est sûre du contraire. En 1966, elle choisit d'identifier sa marque grâce à un symbole, ce sera le sulky américain. Il deviendra l'emblème de la griffe, imageant à merveille ses valeurs, à savoir le luxe et le raffinement.
Une année plus tard, elle met son projet de prêt-à-porter à exécution, persuadée que les femmes vont la suivre. Elle crée ainsi une ligne de vêtements nommée "Couture sportswear". Son concept se base sur un constat : la femme est devenue active, elle voyage et a besoin d'être à l'aise dans ses déplacements, tout en étant toujours impeccable. La créatrice met au point une mode pratique, mettant au goût du jour l'ensemble jupe/chemiser, bien plus facile à vivre que la robe qui se froisse sans cesse.
Pour Céline, la clef de voûte du vêtement réside dans la matière. C'est pourquoi elle attache une importance et une attention toute particulière au tissu et à son élaboration. Elle passe dans les usines et rectifie de-ci de-là quelques détails qui lui permettront d'obtenir un tissu au tombé parfait, dans lequel elle pourra dessiner des pièces simples et élégantes. Jupes-culottes, gilets en peau, chemisiers en maille, larges ceintures portées taille basse et mocassins… la silhouette Celine enchante les femmes avides de liberté.
Céline Vipiana continue alors sur sa lancée et ne cesse d'innover. Alors que le blue-jean règne en maître, elle décide de le repenser, le fait assouplir et le teint dans une gamme de couleurs pastels : rose, violet, parme… L'enthousiasme est international, et la boutique de Saint-Germain voit naître son homologue au Japon. La marque est distribuée aux États-Unis, dans toute l'Europe et même en Corée.
Dans les années 70, Céline est partout. En 73, le destin va apporter à Céline Vipiana de quoi rendre sa marque éternelle. En effet, la styliste tombe en panne d'essence devant l'Arc de Triomphe, et en attendant d'être secourue, son regard s'égare vers les maillons de la chaîne qui entoure l'Arc, ces derniers formant un double C. Elle y trouve le code qui va permettre d'identifier Céline, et ce graphisme devient son logo. On le retrouvera partout : sur la maroquinerie, en imprimé sur les foulards, en boucle de ceinture…
Pour Céline Vipiana, la femme moderne n'a pas besoin d'excentricité, il lui faut des vêtements chics qui mettront en valeur sa personne. Ses collections sont donc racées, foncièrement parisiennes, tout en étant faciles à porter. En osmose avec son temps, elle avait également compris à quel point la visibilité à l'international était importante. Ainsi, lorsqu'en 1987 Bernard Arnault rachète la marque, il se retrouve à la tête d'un empire, composé de pas moins de 85 boutiques situées dans les différentes places fortes du luxe planétaire.
En 1995, la maison entre à la fédération française de couture. L'année suivante, la maison intègre le groupe LVMH. C'est alors Michael Kors qui prend les rênes de la création, chic luxe et casual étant ses mots d'ordre. Cependant, ce n'est pas le prêt-à-porter qui va faire perdurer la marque, Bernard Arnault ayant compris que l'avenir du luxe se situait dans l'accessoire.
Rapidement, le chiffre d'affaires double et les sacs s'arrachent. Le Boogie est adopté par la sphère people, de Madonna à SJP. S'en suivent des modèles qui séduiront les femmes de par leurs volumes parfaits et leur justesse esthétique, tels que le Poulbot, le Verdine ou encore le Balladine. Par ailleurs, Celine conçoit des mini lignes événement, afin de coller au mieux à l'actualité. Les modèles Eurodissey, Paris Macadam ou encore ceux imaginés pour l'année de la Chine deviennent collectors.
À la tête du prêt-à-porter, Roberto Menichetti succède à Kors, mais ce n'est vraiment qu'en 2006, lorsqu'Ivana Omazic prendra la direction artistique de la griffe, que Celine retrouvera son aura d'antan. La designer croate (qui a fait ses armes chez Prada, Jil Sander et Miu Miu) se plonge dans les archives de la maison. Elle désire être au plus près du concept "Vipiana". Sa muse ? Céline Vipiana, qu'elle a rencontrée et avec qui elle partage un point de vue commun sur la mode.
La "couture sportswear" sera le point de départ de la réflexion d'Omazic. Elle traite ensuite le vêtement avec modernité, lui imposant d'être féminin et intemporel, afin de sublimer celle qui le porte sans en faire une victime de la mode. Avec elle, la femme Celine est plus que jamais active, est au coeur de l'effervescence parisienne et possède un tempérament fort, doublé de charme. Elle conçoit pour elle un vestiaire à la fois structuré, féminin et citadin.
Si Ivana Omazic est ancrée dans la modernité, cela ne l'empêche pas de faire des aller-retour entre les années 70 - âge d'or de Celine - et nos jours. Elle y puise certaines idées qu'elle mixe aux tendances actuelles. En hommage aux origines de la maison, pour sa collection été 2008, la créatrice a revisité le modèle Byblos et l'a repensé en pointure 32. Les petites têtes blondes pourront donc, le temps d'une saison, chausser d'adorables mocassins fleurant bon les chevaux de bois et autres bilboquets…
Par Lise Huret, le 08 février 2008
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