Décidément, le petit monde de la mode n'a jamais été aussi schizophrène : alors que Freja Beha fut - en dépit de sa silhouette maigrissime - l'une des mannequins les plus plébiscitées de ces dernières fashion weeks, certains magazines féminins, habitués à promouvoir les diktats esthétiques du moment, commencent à se rebeller face à cette dictature de la minceur...
Le divorce a d'ailleurs été consommé au sein même des récents défilés. En effet, si la plupart des créateurs eurent du mal à respecter les consignes visant à lutter contre l'anorexie édictées par les différentes fédérations de la mode, le styliste Mark Fast fit défiler à Londres trois mannequins affichant une généreuse taille 40.
Se défendant d'avoir voulu offrir à sa collection un coup de publicité facile, le designer affirme que les jeunes filles font partie de ses amies et qu'il avait été touché par leur charisme. De plus, en dépit de la mini polémique qu'il a généré, l'homme persiste et signe en déclarant vouloir que ses vêtements aillent à toutes les femmes, quelle que soit leur taille.
Il est en fait l'un des premiers à afficher une telle opinion au sein du prêt-à-porter haut de gamme. En effet, si Jean Paul Gaultier ou Galliano ont déjà fait défiler des femmes rondes, ce fut à l'évidence plus pour le folklore que pour montrer leur désir de voir leurs créations portées sur différentes morphologies.
À l'opposé siège le filiforme Karl Lagerfeld qui, friand de polémiques, n'a pas hésité dès la fin de la semaine de la mode parisienne à dénoncer l'ineptie de vouloir mettre des femmes rondes sur les podiums. Il faut dire que le DA de Chanel a une idée bien arrêtée sur le sujet : aucune femme ne trouve grâce à ses yeux si elle ne parvient à se glisser au minimum dans un 38.
Pour juger de l'intransigeance de ce dernier en la matière, il suffit de constater que s'il dit adorer Lily Allen depuis ses débuts, la chanteuse n'a pu devenir l'égérie de Chanel qu'une fois sa silhouette entrée dans les normes Lagerfeldiennes. Sans parler de Keira Knightley, égérie du parfum Coco Mademoiselle, dont la maigreur fait peine à voir...
Depuis, chacun campe sur ses positions, ne reniant rien de ce qui a été dit ou fait et continuant tranquillement son chemin. Mark Fast vient ainsi d'être approché par Topshop, tandis que Karl Lagerfeld doit probablement être en train de siroter un Pepsi Max en compagnie de Baptiste...
Ceci dit, ces visions opposées au sein même du microcosme de la mode semblent bel et bien être le signe qu'un changement est en train de s'opérer. Certes, les mannequins fil de fer ne sont pas près de déserter les podiums, mais les femmes plus rondes risquent de faire des apparitions de plus en plus fréquentes dans la presse féminine.
Cependant, ne croyons pas pour autant que le milieu de la mode et des médias soit devenu sensible au mal être des ces femmes s'astreignant à ressembler aux créatures hors normes plébiscitées par l'industrie de l'image. Ils viennent simplement de faire leurs comptes, réalisant que la promotion d'une certaine normalité ferait au moins autant - si ce n'est plus, les chiffres du Glamour de septembre ayant été particulièrement bons - vendre que celle d'une pseudo beauté illusoire et inaccessible...
Du coup, si les femmes veulent réellement voir changer les choses au sein de leurs magazines, elles devront se mettre à plébisciter ouvertement ceux qui prennent le parti de faire évoluer la norme esthétique. Pour l'instant, la balle est dans le camp des Allemandes, dont le comportement face au nouveau "Brigitte" (désormais dépourvu de mannequins professionnelles) servira de test pour l'ensemble de la profession...
Par Lise Huret, le 14 octobre 2009
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Le débat ne sera jamais clos hélas!