Plus habitué à shooter Kate Moss qu'à commenter tel ou tel travers de la fashion sphère, le photographe Mario Testino eut récemment à se prononcer sur l'épidémie d'anorexie sévissant actuellement dans son milieu. Plutôt que de botter en touche (comme lui aurait probablement suggéré un conseiller en communication), Testino a alors préféré jouer les donneurs de leçons, faisant au passage preuve d'une belle hypocrisie doublée d'un brin de démagogie.
Ainsi, lorsqu'il affirme que l'extrême minceur des mannequins est simplement liée à leur grande jeunesse ou quand il minimise les ravages de l'anorexie en déclarant qu'il existe dans le monde des maux bien plus graves, Mario Testino pratique avec aplomb la politique de l'autruche. Une position d'autant plus contestable que vient de sortir aux USA "Picture me" de Sara Ziff, un film livrant une vision sans concession de l'univers du mannequinat...
A l'heure où certaines commencent peu à peu à briser l'omertà en révélant les conseils douteux prodigués les d'agences (constituant entres autres à se contenter d'une seule galette de riz par jour, à se faire liposucer - et ce en dépit de peser à peine 50 kg - ou encore à avaler des boules de coton imbibées de jus de fruit afin de se caler l'estomac en mode 0 calorie), il est dommage que Mario Testino se sente obligé de continuer à pratiquer la langue de bois.
En réalité, s'il est vrai que la jeunesse de bon nombre de mannequins leur assure une minceur naturelle, l'arrivée de la puberté rime souvent pour elle avec le début d'une lutte impitoyable pour réussir à conserver un corps androgyne. Et c'est précisément à ce moment que les choses dérapent...
En choisissant de passer cela sous silence, Testino s'emploie à protéger un système qui, si l'on n'y prend pas garde, pourrait bien continuer à repousser les limites de la morbidité. Que dire en effet des corps rachitiques de Freja Beha ou d'Anja Rubik, portés aux nues par la fashion sphère et ce alors même qu'il en émane une aura plus que dérangeante ?
Espérons qu'un jour, les faiseurs d'images tels que Testino - dont l'influence sur les canons esthétiques de l'époque est loin d'être négligeable - retrouveront un minimum de conscience, sinon professionnelle, du moins humaine...
Par Lise Huret, le 24 septembre 2010
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