Chanel Métiers d'Art 2018
Karl Lagerfeld sait décidément bien faire les choses. Pour présenter sa dernière collection Métiers d'Art, le Kaiser a en effet déniché une cimaise hors norme, dont l'esthétique ultra moderne et le parfum de controverse ayant auréolé sa construction n'ont pas dû déplaire à ce féru d'architecture accro au politiquement incorrect…
C'est en effet au sein de la Philharmonie de l'Elbe (dont la silhouette grandiose a coûté une somme folle à la ville de Hambourg) que l'enfant du pays a choisi de rendre hommage à sa terre natale. Au coeur de la salle de concert imaginée par l'agence Herzog & de Meuron comme une fusion entre l'amphithéâtre grec et le stade de foot fut ainsi dévoilé une collection voguant sur la thématique de la mer, des marins et des fameux containers peuplant le port d'Hambourg, le tout au son de La Paloma du Basque Sebastián Iradier. Ajoutez à cela des détails spécialement pensés pour fournir de la matière aux réseaux sociaux - entre casquette de marin accompagnant les invitations (voir ici et là), distribution de décalcomanies (voir ici), présence de "it" girl sur le catwalk (voir ici), apparition de Choupette en backstage et foultitude d'accessoires photogéniques (voir ici, ici, ici et là) - et vous obtiendrez un événement encensé par la critique, relayé par les influenceurs et permettant de continuer à faire rimer Chanel avec magie. Reste à s'intéresser au coeur de cet opus Métier d'Art : les vêtements. Et comme souvent avec Chanel, il s'agit ici du point le plus épineux. Car si Karl Lagerfeld est assurément visionnaire en matière de communication, la qualité de ses créations s'avère souvent plus aléatoire. Et cette saison ne fait pas exception à la règle.
Qu'il s'agisse des pull-overs aux allures d'intemporel à haute valeur ajoutée pour marin des villes, des vestes d'officier revisitées brillant par leur force sensuelle, des mini tailleurs revendiquant une fraîcheur quasi juvénile (voir ici, ici et là) ou des lainages et autres mailles graphiques évoquant les containers du port de la ville, force est de reconnaître que la première partie du défilé fut plutôt réussie. Malheureusement, à partir du passage 47, les vieux démons de Lagerfeld reprirent le dessus. C'est ainsi que les pantalons larges 7/8 manquent d'évidence (voir ici, ici et là), que cette veste/blouse sacrifie son élégance à la citation et que l'usage de matières satinées dessert considérablement l'allure de certaines silhouettes (voir ici et là). Sans parler de certaines toilettes de la partie soir, probablement parfaites en croquis mais qui peinent à séduire une fois en "3D" (voir ici, ici, ici et là).
Mais peu importe finalement si cette collection ne peut se targuer d'être un sans-faute : aujourd'hui, la mode est davantage question de shows visuels, d'éblouissement éphémères et de néo-femmes-sandwichs requalifiées en icônes pour millennials que d'avalanches de vêtements aux vertus sublimatrices...
Par Lise Huret, le 07 décembre 2017
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